« la curie romaine et le Corps du Christ » (larges extraits)

Ces 15 tentations,

un danger pour tous Chrétiens



Chers frères, c'est le rendez-vous avec Dieu qui naît de la pauvreté de la grotte de Bethléem, pour nous enseigner la puissance de l'humilité. En effet, la Nativité est aussi une fête de la lumière qui n'est pas accueillie par les "gens élus" mais par "les gens pauvres et simples" qui attendaient le salut du Seigneur.

Je désire, avec vous, exprimer mes vifs et sincères remerciements au Seigneur pour l'année qui s'en va, pour les événements vécus et pour tout le bien qu'Il a voulu accomplir, généreusement, par le service du Saint-Siège, en Lui demandant humblement pardon pour les manquements commis "en pensée, en parole, par action et par omission".

C'est en partant justement de cette demande de pardon que je voudrais que cette rencontre et les réflexions que je partagerai avec vous deviennent pour nous tous un soutien et un stimulant pour un vrai examen de conscience pour préparer votre cœur à Noël.

Par conséquent, le rapport vivant avec Dieu nourrit et fortifie aussi la communion avec les autres, c'est-à-dire que plus nous sommes intiment unis à Dieu, plus nous sommes unis entre nous, parce que l'Esprit de Dieu unit et l'esprit du malin divise.

La curie est appelée à s'améliorer, à toujours s'améliorer et à grandir en communion, sainteté et sagesse pour réaliser pleinement sa mission. 

Pourtant, comme tout corps humain, elle est exposée aussi aux maladies, aux dysfonctionnements, aux infirmités. Et ici, je voudrais mentionner certaines de ces maladies éventuelles, maladies curiales. Ce sont des maladies plus habituelles dans notre vie de curie. Ce sont des maladies et des tentations qui affaiblissent notre service du Seigneur.



Le pape en faveur d'une Église plus simple

1. La maladie de se sentir "immortel",
"avec l'immunité"
ou même "indispensable",

en négligeant les contrôles habituels nécessaires. Une curie qui n'est pas autocritique qui ne se met pas à jour, qui ne cherche pas à s'améliorer est un corps malade. Une visite ordinaire aux cimetières pourrait nous aider à voir les noms de tant de personnes dont certains pensaient peut-être être immortels, ayant une immunité, et indispensables ! C'est la maladie du riche stupide de l'Evangile qui pensait vivre éternellement (cf. Lc 12, 13-21) et aussi de ceux qui se transforment en maîtres et qui se sentent supérieur à tous, et non au service de tous. Elle découle souvent de la pathologie du pouvoir, du "complexe des élus", du narcissisme qui regarde passionnément sa propre image et ne voit pas l'image de Dieu imprimée sur le visage des autres, spécialement des plus faibles et des nécessiteux. L’antidote à cette épidémie est la grâce de se sentir pécheurs et de dire de tout son coeur: "Nous sommes des serviteurs inutiles. Nous avons fait ce que nous devions faire" (Lc 17, 10).
Il a invité un garçon trisomique pour une balade dans la Papamobile

2. Il y en a une autre :
la maladie du "marthalisme"
(de sainte Marthe)
de l'excès d'activité,

c'est-à-dire de ceux qui se plongent sans le travail, en négligeant inévitablement, la "meilleure part" : s'asseoir aux pieds de Jésus (cf. Lc 10, 38-42). C'est pour cela que Jésus a appelé ses disciples à "se reposer un peu" (cf. Mc 6, 31), parce que négliger le repos nécessaire conduit au stress et à l'agitation. Le temps du repos est nécessaire à qui a accompli sa mission : c'est un devoir qui doit être vécu sérieusement, en passant un peu de temps avec sa famille, et en respectant les vacances comme des moments de recharge spirituelle et physique. Il faut apprendre ce que Qohélet enseigne: "Il y a un temps pour toute chose"(3, 1-15).
Il a embrassé Vinicio RIVA

3. Il y a aussi la maladie
de la "pétrification" mentale
et spirituelle,

de ceux qui ont un cœur de pierre ou une "nuque raide" (Ac 7, 51-60) ; de ceux qui, en chemin, perdent leur sérénité intérieure, leur vivacité, et leur audace et se cachent derrière les papiers, devenant des "machines à formulaires", et non des "hommes de Dieu" (cf. He 3, 12). C'est dangereux de perdre la sensibilité humaine nécessaire pour pouvoir pleurer avec ceux qui pleurent et nous réjouir avec ceux qui sont dans la joie ! C'est la maladie de ceux qui perdent "les sentiments de Jésus" (cf. Ph 2, 5-11) parce que leur cœur, au fil du temps, se durcit, et devient incapable d'aimer de façon inconditionnelle leur Père et leur prochain (cf. Mt 22, 34-40) . Etre chrétiens signifie en effet "avoir les sentiments mêmes du Christ Jésus, sentiments d'humilité et de don de soi, de détachement, et de générosité".
« qui suis-je pour juger »

4. La maladie
de l'excès de planification
et de fonctionnarisme :

quand l'apôtre planifie trop minutieusement et croit que grâce à une planification parfaite les choses avancent effectivement, devenant ainsi un comptable. C'est nécessaire de bien tout préparer mais sans jamais tomber dans la tentation de vouloir s'enfermer et piloter la liberté de l'Esprit Saint qui reste toujours plus grande, plus généreuse, que toute planification humaine (cf. Jn 3,8). On tombe dans cette maladie parce "qu'il est plus facile et plus commode de se reposer sur nos positions statiques et immuables. En réalité, l'Eglise se montre fidèle à l'Esprit Saint quand elle ne prétend pas le régler ou l'apprivoiser… Apprivoiser l'Esprit Saint… Il est fraîcheur, fantaisie, nouveauté".
Il a tenu une cérémonie importante

5. La maladie
de la mauvaise coordination :

lorsque les membres perdent la communion entre eux et que le corps perd son fonctionnement harmonieux et sa tempérance en devenant un orchestre qui produit seulement du bruit parce que ses membres ne collaborent pas et ne vivent pas l'esprit de communion et d'équipe.
Lorsque le pied dit au bras: "je n'ai pas besoin de toi" ou la main à la tête : "c'est moi qui commande", provoquant ainsi malaise et scandale.
Il plaide pour la forêt amazonienne

6. Il y a aussi la maladie
de l’Alzheimer spirituel,

c'est-à-dire l'oubli de "l'histoire du salut", de l'histoire personnelle avec le Seigneur, du "premier amour" (Ap 2, 4). Il s'agit d'un déclin progressif des facultés spirituelles qui, dans un laps de temps plus ou moins long, causent un grave handicap à la personne en la faisant devenir incapable d'une activité autonome, du fait d'un état de dépendance absolue de ses vues souvent imaginaires. Nous le voyons dans ceux qui ont perdu la mémoire de leur rencontre avec le Seigneur, dans ceux qui ne font pas le sens "deuté-ronomique" de la vie; dans ceux qui sont totalement dépendants de leur "présent", de leurs passions, caprices et manies; dans ceux qui construisent autour d'eux des murs et des habitudes et deviennent toujours plus esclaves des idoles qu'ils ont sculptées de leurs propres mains.
Il a personnellement appelé

7. La maladie de la rivalité
et de la vaine gloire :

quand l'apparence, les couleurs des vêtements, les signes honorifiques, deviennent le premier objectif de la vie, et que l'on oublie les paroles de saint Paul: "ne faites rien par rivalité ou vaine gloire, mais que chacun de vous, en toute humilité, considère les autres supérieurs à soi. Ne cherchez pas votre propre intérêt mais celui des autres" (Ph 2, 1-4) . C'est la maladie qui nous pousse à être des hommes et des femmes faux et à vivre un "faux mysticisme", un faux "quiétisme". Paul lui-même les définit comme des "ennemis de la croix du Christ" parce qu'ils "se vantent de ce dont ils devraient avoir honte et ne pensent qu'aux choses de la terre" (Ph 3, 19).
Il s'est faufilé hors du Vatican

8. La maladie de la schizophrénie existentielle :

c'est la maladie de ceux qui vivent une vie double, fruit de l'hypocrisie typique du médiocre et du vide spirituel progressif que des titres académiques ne peuvent combler. Une maladie qui frappe souvent ceux qui, abandonnant le service pastoral, se limitent à des affaires bureaucratiques et perdent ainsi le contact avec la réalité, avec les personnes concrètes. Ils créent ainsi un monde parallèle, à eux, où ils laissent de côté ce qu'ils enseignent sévèrement aux autres et ils commencent à vivre une vie cachée et souvent dissolue. La conversion est très urgente et indispensable pour cette maladie très grave (cf. Lc 15,11-32).
Il a vendu sa moto à l'encan

9. La maladie des bavardages, des murmures,
et des commérages :

j'ai déjà parlé de cette maladie grave qui commence simplement, peut-être seule-ment pour échanger quelques mots, et elle s'empare de la personne en la faisant devenir "semeur de zizanie"(comme satan), et dans beaucoup de cas "homicide de sang-froid" de la réputation de ses collègues et de ses confrères. C'est la maladie des personnes lâches qui n'ont pas le courage de parler directement et parlent dans le dos. Saint Paul avertit: "faites tout sans murmurer et sans hésiter, pour être purs et sans reproche" (Ph 2, 14-18). Frères, gardons-nous du terrorisme des bavardages !
Il s'est prononcé contre l'insistance envers l'avortement, le mariage homosexuel et la contraception

10. La maladie
de diviniser les chefs :

c'est la maladie de ceux qui font la cour à leurs supérieurs, en espérant obtenir leur bienveillance. Ils sont victimes du carriérisme et de l'opportunisme, ils honorent les personnes et non Dieu (cf. Mt 23, 8-12). Ce sont des personnes qui vivent le service en pensant uniquement à ce qu'ils doivent obtenir, et non à ce qu'ils doivent donner. Des personnes mesquines, malheureuses, et inspirées seulement par leur égoïsme fatal (cf. Ga 5,16-25). Cette maladie pourrait frapper aussi les supérieurs quand ils font la cour à certains de leurs collaborateurs pour obtenir leur soumission, leur loyauté, leur dépendance psychologique, mais le résultat final est vraiment qu'ils sont complices.
Il a appelé à une coopération entre chrétiens et musulmans

11. La maladie de l’indifférence envers les autres :

quand chacun ne pense qu'à soi et perd la sincérité et la chaleur des relations humaines. Quand le plus expert ne met pas sa connaissance au service des collègues moins experts. Quand on vient à apprendre quelque chose et qu'on la garde pour soi au lieu de la partager positivement avec les autres. Quand, par jalousie ou par malice, on éprouve de la joie à voir l'autre tomber au lieu de le relever et de l'encourager.
Il a participé à une "selfie"

12. La maladie
du visage funèbre :

celle des personnes revêches et sombres, qui estiment que pour être sérieux il faut revêtir son visage de tristesse, de sévérité, et traiter les autres - surtout ceux que l'on considère comme inférieurs - avec rigidité, dureté et arrogance. En réalité la sévérité théâtrale et le pessimisme stérile sont souvent des symptômes de peur et de manque de confiance en soi. L'apôtre doit s'efforcer d'être une personne courtoise, sereine, enthousiaste et joyeuse qui communique la joie où qu'il se trouve. Un cœur heureux qui rayonne et contamine par sa joie tous ceux qui l'entourent, on le voit tout de suite! Ne perdons donc pas cet esprit joyeux, plein de sens de l'humour, et même d'autodérision, qui font de nous des personnes aimables même dans des situations difficiles. Comme une bonne dose d'humour sain nous fera du bien! Dire souvent la prière de saint Thomas More14 nous fera du bien: je la prie tous les jours, cela me fait du bien.
Il a invité des sans abri

13. La maladie d'accumuler :

quand l'apôtre cherche à combler un vide existentiel de son cœur en accumulant les biens matériels, non par nécessité, mais pour se sentir en sécurité. En réalité, nous ne pourrons emporter avec nous rien de matériel parce que "le linceul n'a pas de poches" et tous nos trésors terrestres - même si ce sont des cadeaux - ne pourront jamais combler ce vide, au contraire, ils le rendront encore plus exigeant, et plus profond. A ces personnes, le Seigneur redit : "Tu dis: je suis riche, je me suis enrichi, je n'ai besoin de rien. Mais tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu… Aie donc du zèle, et repens-toi " (Ap 3, 17-19). L'accumulation ne fait qu'alourdir et ralentir inexorablement la route. Je pense à une anecdote. Autrefois, les jésuites espagnols décrivaient la Compagnie de Jésus comme la "cavalerie légère de l'Eglise". Je me souviens du déménagement d'un jeune jésuite: il était en train de charger dans un camion tout ce qu'il avait - bagages, livres, objets, cadeaux -, quand il a entendu un vieux jésuite qui l'observait lui dire : "ce serait cela la "cavalerie légère de l'Eglise" ?" Nos déménagements sont un signe de cette maladie.
Il a laissé courir un enfant la scène

14. La maladie
des cercles fermés :

quand l'appartenance à un petit groupe devient plus forte que celle du Corps et, dans certaines situations, que du Christ même. Cette maladie aussi commence par des bonnes intentions, mais au fil du temps, elle rend ses membres esclaves, devient un " cancer " qui menace l'harmonie du Corps et cause tellement de mal - des scandales - spécialement aux plus petits de nos frères. L'autodestruction ou le " feu ami " des camarades est le danger le plus sournois. C'est un mal qui frappe de l'intérieur et, comme le dit le Christ, “ tout royaume divisé contre lui-même va à la ruine ” (Lc 11,17).
Il accueil avec affection le président athée de l’Uruguay

15. Enfin, la maladie du profit mondain, des "exhibitionnistes" :

quand l'apôtre transforme son service en pouvoir, et son pouvoir en marchandise, pour obtenir des profits mondains, ou plus de pouvoir. C'est la maladie des personnes qui cherchent insatiablement à multiplier les pouvoirs et dans ce but, ils sont capables de calomnier, de diffamer, de discréditer les autres, jusque sur les journaux ou les magazines, souvent au nom de la justice et de la transparence! Naturellement, pour s'exhiber et montrer qu'ils sont plus capables que les autres.  Il me vient à l'esprit le souvenir d'un prêtre qui appelait les journalistes pour leur raconter (et inventer) des choses privées personnelles et réservées sur ses confrères et ses paroissiens. Pour lui, la seule chose qui comptait, c'était de se voir à la une des journaux, parce qu'ainsi il se sentait "puissant et irrésistible". Il faisait tellement de mal aux autres et à l'Eglise. Le pauvre.

Frères, ces maladies et ces tentations sont naturellement un danger pour tout chrétien et pour toute curie, communauté, congrégation, paroisse, mouvement ecclésial, etc… Et elles peuvent frapper au niveau individuel ou communautaire.

Il faut être clair: seul l'Esprit Saint - l'âme du Corps mystique du Christ, comme l'affirme le Credo de Nicée-Constantinople: "Je crois en l'Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie" - guérit toute maladie.

J'ai lu un jour que "les prêtres sont comme les avions: ils sont dans les journaux quand ils tombent, mais ils y en a tant qui volent; beaucoup critiquent et peu prient pour eux". C'est une phrase très sympathique mais aussi très vraie, parce qu'elle souligne l'importance et la délicatesse de notre service sacerdotal et combien de mal peut causer à tout le corps de l'Eglise un seul prêtre qui "tombe".

Donc, pour ne pas tomber, en ces jours où nous nous préparons à la Confession, demandons à la Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Eglise, de guérir les blessures du péché que chacun de nous porte dans son cœur,

Tous mes vœux d'un saint Noël et d’une heureuse Année nouvelle à vous tous, à vos familles, et à vos collaborateurs, et s'il vous plaît, n'oubliez pas de prier pour moi. Merci de tout cœur.

Rome, 22 décembre 2014, Pape François